Tout savoir sur le yuzu

Le yuzu, ce petit agrume à la mode a été révélé par la grande gastronomie, qui en a fait grand cas. Il se cultive facilement et n’est pas réservé qu’à la grande cuisine !

Une origine hybride pour le yuzu

Citrus junos, le yuzu, fait partie du groupe d’agrumes dit “papedas”. Sa feuille a une forme caractéristique de ce groupe qui se reconnait facilement. La feuille semble en effet composée de deux parties, comme étranglée en son milieu. c’est en fait un pétiole ailé (le pétiole est la partie reliant la feuille à la tige).

Le yuzu n’est pas connu dans la nature mais uniquement sous forme cultivée. Il est originaire de Chine, bien que le Japon soit le pays avec lequel on l’associe le plus souvent. Le yuzu serait né de l’hybride entre le citron Ichang (Citrus ichangensis) et la mandarine ‘Cléopâtre’. Le premier lui a donné la résistance au froid, la taille et la couleur du froid, la seconde lui ayant apporté un arôme si particulier et des quartiers non adhérents à la partie extérieure du fruit (il se pèle très facilement). Cet hybride serait apparu, on ne sait pas quand, en Chine, avant d’être cultivé en Corée et au Japon, où on l’apprécie beaucoup. Ou plutôt, on les apprécie, car il y a plusieurs catégories de yuzus comme on va le voir.

Au Japon, le yuzu est surtout cultivé dans les îles du Sud, et dans quelques villages seulement. Il y a deux emplois traditionnels. Sa maturation (novembre-décembre) correspondant à l’arrivée des froids, il est de tradition d’en glisser une vingtaine de fruits dans un sac en toile que l’on laissera tremper dans les bains chauds. L’eau se charge alors des huiles aromatiques des fruits ; on leur confère une propriété fortifiante de l’organisme face aux affections hivernales. L’autre emploi se trouve en cuisine, comme ingrédient principal de la sauce ponzu : impossible d’envisager une sauce ponzu sans yuzu ! Enfin, en Corée, on utilise la confiture de yuja (le yuzu) pour édulcorer un thé vert et obtenir l’équivalent de notre grog,  toujours contre les refroidissements de l’organisme en hiver.

Il y a yuzu et yuzu !

Lorsqu’on parle de yuzu, on fait en réalité le plus souvent allusion au yuzu seto, au fruit de 300 à 400 g, au flavedo jaune vif (le flavedo est la partie colorée de l’écorce d’un agrume). Sa peau est parfois un peu lavée de vert. Le flavedo est donc épais de 3 mm environ. L’albedo, la partie blanche située juste en dessous du flavedo, est assez fibreux et peu parfumé. Quant aux quartiers, ils sont non adhérents comme on la dit. Ils sont aussi et surtout peu juteux (mais contiennent beaucoup de pépins). Le jus est un peu acide, nettement moins parfumé que le flavedo. On utilise de préférence le zeste (flavedo et éventuellement un peu d’albedo). C’est le plus courant des yuzu, le plus long à produire aussi (7 ans et jusqu’à 15 ans à partir de graine).

Comme il est peu juteux, on utilise un autre yuzu, plus petit, le hana yuzu (Citrus hanayu), moins aromatique mais beaucoup plus juteux. Le hana yuzu est moitié plus petit que le yuzu ; il mûrit à peu près en même temps. Lorsque le hana yuzu est encore vert, il est difficile à différencier du sudachi (Citrus sudachi), autre Papeda du même groupe, et dont le jus très acide sert (au Japon) à assaisonner les poissons. Enfin, il existe un yuzu à très gros fruits, le kabosu ou yuzu dragon. Celui-ci a un fruit gros comme un pomelo mais il a l’air très… cabossé. Ce dernier n’a pas l’importance des autres et on ne le trouve jamais dans le commerce.

Du côté des variantes du yuzu classique, on notera de rares formes panachées (à usage ornemental) et surtout des formes sans pépins (variété nommée Mukaku Yuzu), plus pratiques pour transformer le fruit entier. Il existerait aussi des souches sans épines, mais leur intérêt culinaire n’est pas encore bien connu. Car il y a plusieurs souches du yuzu seto, certaines plus acides, d’autres plus douces ou plus fruitées. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le travail de typage des différentes ne fait que commencer. Affaire à suivre pour les générations futures !

Une culture de la patience

Le yuzu seto, le hana yuzu  et le sudachi sont assez rustiques puisqu’ils supportent -12°C une fois bien établis. Ils perdent leurs feuilles en dessous de -8/-9°C (selon les conditions), les retrouvant au printemps avec peu de dégâts. Ce sont des agrumes à la croissance vigoureuse mais réglés par une horloge biologique stricte : ils ne fleurissent pas avant d’avoir atteint le stade de la maturité, à la différence d’autres agrumes. En revanche, le yuzu vit longtemps (plus d’un siècle) et ne demande pas beaucoup d’entretien. Il a tendance à former des fortes pousses de la base (des « flushes ») plutôt qu’à pousser en hauteur. Il prend un port arrondi, le houppier étant porté par plusieurs troncs. Enfin et surtout, ils sont très épineux (surtout le yuzu classique), puisque des dagues acérées de 10 cm en défendent les branches. Si les animaux s’intéressent peu à l’arbre grâce à cette défense, la cueillette doit se faire à la main, avec un outil (cueille-fruit) à long manche ainsi que des gants. Cette opération lente justifie une partie du prix du yuzu, qui ne peut pas être industrialisé comme le citron ou les mandarines. Cueillir le yuzu de façon indélicate conduit à ce que la peau des fruits se plante sur les épines, ce qui conduit à un pourrissement accéléré. Bien récolté, le yuzu peut se garder quelques temps au frais (une dizaine de jours), si la peau est intacte.

Un cycle simple

Le yuzu fleurit aux alentours du mois de mai, lorsque les pousses de l’année ont bien commencé à se déployer. Le fruit grossit au cours de la saison et de vert moyen commence à se colorer de jaune à partir du courant du mois d’octobre. La maturité est complète dans les semaines qui suivent et la surmaturité intervient vers la fin décembre. Comme tous les agrumes, les fruits ne résistent pas à de fortes gelées (en dessous de -3°C, le froid les abîme). L’arôme est plus fort lorsque le fruit est à pleine maturité. Son arôme est alors unique, gourmand comme la mandarine mais vif comme le citron, sans aucune acidité, pas écœurant. Il est moins fort avant, d’une composition différente avec des notes végétales.

En cuisine

Le yuzu est l’agrume du salé comme du sucré ou de l’acide. Son arôme tient à la cuisson sans être modifié (à maturité optimale) et montre une affinité avec les corps gras qui emmagasinent son parfum. Un beurre, une huile et même le gras animal sont parfaits pour le « capturer » et le stabiliser.  Il s’associe avec les parfums gras (chocolat ou fruits secs par exemple). En revanche, il faudra avoir la main légère avec les arômes forts avec lequel on souhaite l’associer (gingembre, autres agrumes). Autrement dit, on pourra utiliser le yuzu dans pratiquement toutes les situations où on pourrait employer de la mandarine, de la clémentine ou du citron.

En ce qui concerne ses propriétés « mécaniques », sa peau facile à détacher le rend facile à transformer en le faisant confire ou en réalisant des confitures. C’est d’autant plus vrai que son albedo est très peu amer, à la différence de certaines mandarines. Les quartiers, qui comptent des dizaines de pépin, ne donnent pas un beau jus et n’ont pas vraiment d’intérêt.

Autres utilisations

La fleur de yuzu n’a aucun parfum : c’est le seul reproche que l’on peut adresser à cet agrume ! Elle n’a donc pas d’utilité culinaire. Les jeunes pousses, en revanche, peuvent servir comme condiment, une fois pilées seules ou avec un autre ingrédient. L’arôme est un peu moins subtil et moins fort mais lorsqu’on a envie de goûter la saveur du yu zu en plein été, c’est une bonne solution.

Le conserver pour la cuisine

Le yuzu se conservant frais peu de temps , il faudra emmagasiner son parfum de plusieurs façons. Il peut se congeler mais son arôme perd de son intensité. Le beurre conserve son arôme plus longtemps que l’huile. En revanche, au sucre, sa conservation est très longue. On réalise alors un sirop de yuzu très concentré (voir page XXX), à garder au frais et à l’abri de la lumière. Sécher le yuzu est une solution que l’on rencontre dans le commerce (poudre de yuzu séché). Le résultat (à notre goût) est si infect que c’en est une injure à la saveur si délicate du yuzu ! Car l’arôme du yuzu ne peut pas se conserver en phase sèche.

A savoir Le thé au yuzu, que l’on trouve chez certaines grandes maisons de thé… ne contient pas de yuzu ! C’est en fait un dosage de différentes huiles essentielles d’agrumes censées recréer l’arôme du yuzu. Astuce qui ne marche que pour celui qui n’a jamais goûté le vrai yuzu…